Promenade romanesque. [Dentoria Cyliss / Raziel Altena.]

Mary se promenait tranquillement. Amy, elle, dans son coin, dessinait ce qu'elle voyait. Pour une fois, la vampire mordue était ravie de ce qu'elle voyait. Elle commençait à se détendre un peu. elle avait toujours aimé la douce brise de fin d'hiver. Bien sûr, il y avait les giboulées de mars, mais la pluie n'était pas encore arrivée. Des parterres verglacés, jaillissaient déjà quelques gentilles pousses timides. Donc Amy s'émerveillait de ce doux spectacle. Elle avait même sorti un carnet et un stylo pour dessiner. Mais pourtant, c'était Mary qui dirigeait tout. L'explication se trouvait là : il fallait se représenter tout ça d'une façon particulière. La tête d'Amy et de Mary était comme une grande salle. Ou plutôt, une salle minuscule avec deux petites filles miniatures à l'intérieur. L'une, était blanche, elle ressemblait à un ange. Pourtant, Amy n'était pas une ange. Elle avait des ailes blanches, une toge de la même couleur sur un corps pâle et plutôt mollasson. Elle avait aussi une petite auréole jaune doré qui flottait à quelques centimètres de sa tête. D'un autre côté, on voyait une créature rouge. Ses cheveux, rouge sang, sa tenue, bordeaux, rouge. Mary. La salle était une pièce. Une chambre même, pour être exact. Il y avait des lits. Un lit superposé pour Amy et un lit du type "prison" pour Mary. Oui, même si Mary avait une classe assez indue, elle aimait bien le fantasme du vilain évadé de prison, qui la prendrait sauvagement sans lui demander son avis. Ca faisait extrêmement longtemps qu'elle était seule. Elle n'était pas vierge, mais elle n'avait eu que peu d'amants. Elle avait donc un lit étrange, inquiétant. Amy avait deux-trois affaires comme un crayon à papier, des crayons de couleur, un stylo et un bloc-note. Bien sûr, tout ceci n'était qu'une façon de voir les choses. Tout ceci n'était qu'une façon de représenter la tête des deux jeunes femmes. Il y avait une échelle à un endroit, pour qu'elles puissent descendre. C'était une salle des archives. En réalité, quand l'une était aux commandes et qu'elle devait chercher des informations sur un sujet, elle envoyait l'autre farfouiller. C'était donc ainsi que se faisait la cohabitation entre les deux.

Donc, là, à cet instant, Mary se promenait, son habituel air noble, voire même méprisant sur le visage. Elle marchait lentement. Travaillant toujours sa démarche pour paraître plus forte, plus stable, plus noble. Amy, de son côté, s'amusait à observer tout cela. Elle était béate de la douceur du temps. Pourtant, il faisait froid, le temps piquait et parfois, des petits nuages de brumes au dessus des plantes venaient rafraîchir un peu plus encore la température. Amy avait lu, la dernière fois qu'elle était allée en cours, que ce n'était pas la brume qui refroidissait le temps, mais l'air qui réchauffait la brume. Et ça lui manquait, d'aller en cours. Mais c'était Mary qui décidait, Mary décidait toujours. Mary se promenait parce qu'elle voulait prendre l'air. Et aussi s'afficher un peu. Histoire qu'on voit qu'elle était toujours là, la tête-haute, prête à affronter n'importe qui. Elle avait une robe, bordeaux foncé, toujours aussi sombre. Elle portait, comme d'habitude, des chaussures à talons, noires, avec des lanières en cuir de vache pour lui tenir la cheville. Elle portait une petite veste en laine fine, noire. La veste ne couvrait que la poitrine. Elle avait fermé tous les boutons. Elle portait toujours son petit pendentif, une chaînette en argent avec une petite clef pendouillant doucement. Elle avait des boucles d'oreilles, qui elles aussi, comme la clef en pendentif, appartenaient à Amy. Les boucles étaient deux petits cadenas en argent aussi. Elle avait ses cheveux comme à l'habituée (voir avatar) mis à part qu'elle avait une barrette pour retenir une mèche de cheveux qui tombait parfois devant ses yeux.

Elle n'attendait personne. Elle ne cherchait personne.

Elle s'arrêta un instant devant un parterre de roses. Elle aimait beaucoup ces fleurs. Surtout les rouges, les noires et les bleues aussi. Les pétales étaient lisses, tendres, beaux, la tige était passionnante. Piquante, mordante, dangereuse, violente, sauvage... Et tant pis si elle s'ouvrait les doigts quand elle les cueillait, quand elle les sentait. Le sang n'était pas une chose en manque, chez elle, et au pire, si elle en perdait trop, elle pouvait toujours mordre un petit humain... Même si il y avait des règles et des lois qui interdisaient cette pratique, elle faisait ça dans l'ombre, sans que personne ne puisse s'en apercevoir. Elle tuait. Tant qu'elle n'était pas Reine des vampires à temps plein, elle ne transformerait pas un humain en vampire. C'était trop risque pour ça. La personne pouvait la balancer. Mais le parterre de roses était mort. D'ici quelques mois de magnifiques plantes seraient ouvertes, prêtes à être cueillies pour s'ajouter à sa collection.

Elle resta un moment devant, à regarder le plan.

Comme si elle n'avait pas remarqué que cet abruti d'humain la suivait... Hé, il y a marqué "Reine vampire" pas "la conne", non plus. Toujours était-il que le petit Raziel, elle l'attendait depuis un bout de temps... Mais que pourrait-elle lui faire croire, histoire qu'il ne se sente pas trop frustré... Ahh, elle ne savait pas, elle ne savait rien... Toujours était-il qu'elle ne fut pas étonnée de l'apercevoir plusieurs fois au tournant des allées du parc. Il faisait ce qu'il pouvait pour être discret, et il fallait quand même avouer que Mary le perdait de vue parfois, tout en sachant qu'il la suivait de près, toujours... Mais il avait eu un moment d'hésitation, il ne fallait pas se leurrer : il avait hésité quand il avait vu que deux gamins venaient voir la Reine...

Et les deux gamins, que voulaient-ils à la Mary en vadrouille? Amy, se crispa, pour aller surveiller que Mary ne venait pas massacrer ces deux bambins... Elle avait beau être intérieurement en colère, elle savait qu'il ne fallait pas toucher aux mioches, et que Mary, elle, n'hésiterait pas à leur faire mal, très mal même. Oui, il arrivait à Mary d'avoir des gestes de barbarie intenses... Par exemple, une fois, et ça Amy en avait honte : Mary avait kidnappé une petite fille VAMPIRE, qu'elle avait torturé à mort pour que la famille (le père était un de ces ministres récalcitrants à son règne futur) comprenne bien qui était le chef... Et d'ailleurs, c'était là qu'Amy avait vu le goût extrême de Mary de faire le sale travail elle-même... Donc là, la jeune vampire mordue était prête à reprendre le contrôle du corps, si Mary faisait n'importe quoi. Mais Mary n'avait aucune envie de faire quoi que ce soir de mal à ces deux enfants...

D'ailleurs, elle n'en aurait pas eu le temps puisqu'une dame vint reprendre les gosses...

- Mary... Juno... les enfants, ne vous éloignez pas de moi. Excusez-moi, j'espère qu'il ne vous ont pas dérangé... ?

Mary... Mary elle, rentrait dans une espèce de transe étrange... Elle se rappelait quand elle était gamine. Elle avait un ami, un très bon ami. Un doux petite garçon, qu'elle adorait... Elle se demandait même si ce n'était pas le seul "homme" qu'elle ait jamais aimé... Quand elle était jeune, ah, tout lui souriait et rien n'aurait pu prédire qu'elle tourne finalement comme ça... En folle... Sa mère était toujours là, à la surveiller, à l'emmener dans des fêtes, pour jouer... Sa mère et celle de son ami ne se quittaient jamais et les deux enfants jouaient souvent ensemble... Les gens souriaent (avec espoir) quand ils parlaient avec innocence d'un jour se marier... Les adultes leur racontaient qu'ils formeraient un joli couple... Et...

Et rien du tout. Connerie sur connerie tout ça. Jamais aucun adulte n'avait bien traité Mary. Sa mère était trop occupée à traîner avec un de ces amies, mais pour boire et tromper leurs époux respectifs. Son père, lui, dirigeait le trône, donc il n'était jamais là. Sa nourrice était une vampire qui faisait semblant d'être merveilleuse devant les parents, mais qui en réalité était abominable... Combien de fois la jeune princesse avait passé des journées entières enfermée dans sa chambre à conspirer contre le monde (ce qui explique ses déficiences actuelles) et tout ça parce qu'elle avait dit banc au lieu de noir à sa couleur préférée... Ou des détails comme ça.

Donc voir cette femme, protéger ces enfants, comme ça, ça déclencha chez elle une sorte de haine, un voile haineux, désir de tuer. Et vite. Heureusement pour les mioches, Amy était là. Elle reprit le contrôle du corps... Les yeux changèrent de couleur, passant du rouge sang au bleu azuréen. Les enfants remarquèrent le détail. Le garçon tendit un bras vers le regard de la reine, et ce fut la gamine qui posa la question.

- Pourquoi t'as les yeux qui changent de couleur, madame?

- Je... Qu'est-ce que vous faites ici, les enfants? demanda Amy en s'accroupissant pour être à leur hauteur.

Et là, Raziel décida de se dévoiler.